MICHEL GIROUD
ETANT DONNÉS
OU LE RETOUR
DE LA FUREUR
Un théâtre non subjectif, sans aucune
intériorité, une scène, des scènes, des
cènes obscènes de forces contraires en fusion et en tourbillon,
un théâtre panique du dieu Pan, du dieu total, un théâtre
de l'irruption (et du rut pur), de la splendeur de la violence, (et
du viol brusque des consciences bouclées), un théatre,
LE THÉÂTRE DE LA FURIOSA ET DU FOU RIRE.

Une scène sans acteurs, seulement des Actants, d'aucune école,
d'aucun style, de nulle part, du vide et d'ailleurs. Un théâtre
très ancien et très enfoui, des forces noires ET
des forces blanches jusqu' à l' explosion, un vieux théâtre
retrouvé, agité, remué, ébranlé par
deux frères comme dans les temps mythiques de la Grande Grèce,
celle d'Ephèse et de Dionysos, celle du Dieu Taureau et du Dieu
Ouroboros, celle du théâtre des éléments,
celle du théâtre élémentaire des forces cosmiques,
un si vieux théâtre nourri de l'Inde et de ses dieux jusqu'
aux trompes et aux gongs du Tibet, un si vieux théâtre
réveillé par deux frères, sans antécédents
et sans descendants.
ETANT DONNÉS
ne peut faire école ici, dans la douceâtre chaleur franchouillarde
sociale démocrate médiocrate, brisant tout de suite les
ersatz, condamnant au réveil immédiat de l'irruption intempestive.
Ils sont arrivés à ce degré d'incandescence et
de candeur furibonde hilarante par une série de coïncidences
depuis le Maroc, les alpes grenobloises et la Murcia hispanique déjà
presque andalouse, arabo-andalouse, mystique et libertine, par
des croisements hétérodoxes où se rencontrent Saint-Jean
de la Croix, le marquis de Sade, Fourier, Sainte Thérèse
d'Avila, Gaudi et Buñuel, Dali et Lorca, les chants et danses
des Jajouka et des Gnawa, le désert dévorant de Gysin
et la quète d'Augièras, le Grand Jeu de Daumal et de Gilbert-Lecomte,
Gurdjieff et le soufisme, les gongs d'Asie, les énergies cosmiques
alpines.
Un jour, ils ont capté la décharge éblouissante
de la lumière (illu-mination, révélation, retour
à tout) , ils ont été ébranlés par
une secousse sismique de l' esprit extérieur hilare ; en tout
cas, depuis ce jour là, ils poursuivent une bien étrange
"guerre sainte" exubérante, burlesque et ontologique,
qui sans aucun égard, brise et pulvérise toute précaution,
toute référence, toute diplomatie, tout compromis et tout
faux dialogue, sur le chemin non balisé de haute montagne brûllante
et glaciale, foudroyante et obscure, démons analogues, garou-garous
de l'Oisans et du Vercors.

ETANT DONNÉS produit des signes
volcaniques, des tremblements et des fureurs dans un monde calfeutré,
embastillé, bétonné, sourd, aveugle, muet, apeuré,
recroquevillé, recroquevrillé, dans sa misérable
coquille intérieure (la chaude et moisie pantoufle charentaise
bien française du bon vivre et du bon goût). Comme Sade
et quelques amigos peu recommandables, ils sont "tres méchants",
d'horribles éventreurs d'idées et d'idoles (d'idéologies).
Ils fracassent l'honnête, nauséabonde et infernale maison
familiale, tout comme la pédagogie des esclaves.
Ils offrent la stupeur et l' orgie du débordement. Toutes les
vanités cultuelles et culturelles sont disloquées.
Ils donnent du danger, du risque, de la sublime pornographie. Ils dispensent
du plein vide, illuminés d'ardeur. Toupies paniques, torches
érotiques, ils brûlent les protections et enflamment les
abris, ils sonnent le tocsin et réveillent les passions de l'
ABSOLU, dans un monde accroupi à cultiver
ses crotailles de proprios avaricieux, obsédés à
surveiller leurs chiures artistiques et bancaires, dans un monde constipé,
bouffi, grelotteux, graveteur et glavioteur, dans un monde envahi par
les tics-tacs de la norme moderne.
ETANT DONNÉS,
dans la splendeur de leur fureur, sonnent la cloche de bronze comme
Léon Bloy et Jarry, Rimbaud et Lautréamont, Artaud et
Daumal, Ossang et Magma, irréductibles. Par secousses imprévisibles
quelques énergumènes surgissent du hasard des circonstances,
eux les inspirés-aspirés, que rien n'a pu baillonner,
se dressent comme Saint Paul Roux, comme Chazal, comme Altagor, comme
des figures bibliques, des prophètes, des vociférateurs
hilarants, des incantateurs d'Afrique ou d'Asie, aux masques syncrétiques
païens, adeptes du cosmos. Ils auraient pu apparaitre tout autant
en plein Mexique, en Inde, en Afrique, en Australie, en Asie Centrale,
au Tibet, au Brésil dans un rite de Macumba, aux Caraïbes,
à Haïti dans une transe vaudou. Chez eux, il y a du tremblement
exorciste, du bredouillement extatique, du glossolaliaque et du cri
éruptif des pentecôtistes illuminés par la saveur
suintante divine cosmique, illuminés d' être traversés
par l'illumination d' etre la soufflant, hurlant, secoué par
le rire absurde de vivre cette danse intensité, dans un monde
d' enfouis, de refermés, de muselés, de meurtris, d'esseulés,
de frigorifiés, d'harcellés.
ETANT DONNÉS redonnent à
l'action son axe, son aXion, sa puissance instantanée
d'incarnation illuminatrice et augmentatrice de volupté, de sensivité
et de densité, pour enfin oser danser la dense danse éblouie
de la splendeur de la fusion, étincelante confusion dans l'instant
débordant de l' inouï.
Michel Giroud, Alpina, le 30 janvier 2001
avé la aXion radio-activa du Weorwolf, d'El Coyote & Cie.
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